Y croyez-vous ¿

Je dis au moine : “Y croyez-vous ?”
Il murmura : “Je ne sais pas.”

Je repris : “S’il existait sur la terre d’autres êtres que nous, comment ne les connaîtrions-nous point depuis longtemps ; comment ne les auriez-vous pas vus, vous ? comment ne les aurais-je pas vus, moi ?”

Il répondit : “Est-ce que nous voyons la cent millième partie de ce qui existe ? Tenez, voici le vent, qui est la plus grande force de la nature, qui renverse les hommes, abat les édifices, déracine les arbres, soulève la mer en montagnes d’eau, détruit les falaises, et jette aux brisants les grands navires, le vent qui tue, qui siffle, qui gémit, qui mugit, – l’avez-vous vu, et pouvez-vous le voir ? Il existe,pourtant.”

Je me tus devant ce simple raisonnement. Cet homme était un sage oupeut-être un sot. Je ne l’aurais pas pu affirmer au juste ; mais je me tus. Ce qu’il disait là, je l’avais pensé souvent.

Maupassant, Le Horla, 2 juillet

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